En préambule En France, le sous-titrage des programmes télévisés pour les personnes sourdes et malentendantes…

Pour mieux comprendre ce métier à travers ses caractéristiques, ses évolutions et ses enjeux, nous avons interviewé Muriel, interprète de l’écrit depuis 2012 au Messageur. Passionnée par son métier, c’est avec de nombreux détails et anecdotes qu’elle nous parle de son parcours, de sa profession et de son expérience. Nous avons donc divisé cette interview en plusieurs épisodes qui vous feront vivre au rythme d’une interprète de l’écrit et découvrir les nombreuses facettes insoupçonnées d’un métier en constante évolution !
Muriel, comment as-tu voulu devenir interprète de l’écrit ?
Mon métier est le résultat de mon désir de reconversion. Je venais du monde des achats et approvisionnement dans l’industrie, un secteur passionnant aussi. Après 12 ans dans ce milieu, j’ai eu envie de voir autre chose, et remettre à profit mon profil plutôt littéraire. Je suis aussi très curieuse, j’aime étudier.
En 2009, j’ai eu envie de débuter une formation en apprentissage de LSF (Langue des Signes Française) pour devenir interface de communication ; cette formation m’a d’abord plongée dans le monde confidentiel des sourds signants. Cette même année, je me suis aussi inscrite à l’Université de Rennes 2 et j’ai obtenu une licence en Sciences du langage pour mieux appréhender les ressorts de la communication.
Pendant cette période, alors que je cherchais encore ma voie, j’ai eu l’opportunité d’assister à une conférence de l’association rennaise de DSME, Keditu*. La rencontre avec cette association de personnes principalement devenues sourdes m’a mise pour la 1ère fois face à des personnes sourdes dites « oralisantes » et qui ne communiquent pas (ou très peu) en Langue des Signes, mais en français. Alors que jusque-là ma connaissance de la surdité se limitait aux personnes sourdes signantes, je découvrais un nouveau monde, celui du handicap invisible.
Lors de cette conférence, l’association Keditu avait mis en place du sous-titrage en direct en faisant appel à une petite et toute nouvelle entreprise de transcription directe, Polycom, née de la rencontre de Samuel Poulingue à Cherbourg et Jean-Luc Le Goaller à la Guerche-de-Bretagne, futurs cofondateurs du Messageur ! J’ai vu le texte qui s’affichait, seul, à la vitesse de la parole sur un écran. Ça été un coup de foudre, une vraie révélation !
À la fin de la conférence, la Présidente m’a donné les coordonnées de Jean-Luc et c’était parti ! Il m’a parlé de la loi de 2005. Il m’a dit que les « sourds oralisants » qui constituent 99% des déficients auditifs, avaient des attentes énormes de cette loi qui légalisait la mise en place des moyens de compensation de leur handicap. Cependant, Polycom devait se faire connaitre pour bâtir un modèle économique viable. En attendant, il m’a conseillé de me former au sous-titrage en direct, et m’a offert ma 1ère licence Dragon V8*. Cette année vient de sortir la V16 ! J’ai commencé comme ça, en free-lance. Puis, la Présidente de Keditu m’a proposé de venir sous-titrer en direct les Assemblées générales de l’association.
En 2012, Jean-Luc et Samuel ont officiellement créé Le Messageur et me sollicitaient ponctuellement. Avec le marché de la téléphonie (CRT), ils ont pu me proposer un contrat en CDI dès la fin 2014.
Peux-tu nous raconter une journée type au Messageur ?
Chaque jour, je réalise entre 4 et 6 h de sous-titrage en direct. En fonction des prestations, j’ai des temps de préparation plus ou moins longs. J’ai aussi d’autres rôles comme la planification, la participation aux réunions de production, la logistique, les sujets de fond, sans oublier ma casquette d’associée du Messageur, car nous sommes en SCOP !
Peux-tu nous en dire plus sur ton métier, en quoi consiste-t-il ?
La loi « Handicap » de 2005 pour l’égalité des droits et des chances a donné la possibilité aux personnes malentendantes de demander du sous-titrage pour accéder à la communication lors d’une réunion, d’un colloque… Mon métier consiste à afficher par écrit des propos qui sont tenus à l’oral, à la vitesse de la parole, ce qui permet aux personnes avec des difficultés auditives de suivre ce qui se dit à l’écrit. Il rentre dans ce qu’on appelle les techniques de compensation humaines.
Ce métier, c’est du direct mais on a aussi un gros travail de préparation en amont. Il faut s’acculturer au sujet pour pouvoir restituer fidèlement les échanges : acronymes, toponymes, noms propres, jargon professionnel… Il faut les reconnaitre quand ils sont prononcés et les afficher correctement. On a aussi le souci d’un affichage dit « accessible ». Il faut que la lecture soit agréable et fluide pour la personne malentendante pendant toute la durée de l’évènement qui peut durer la journée entière parfois. On doit afficher régulièrement des petites sections de phrases de façon à ce que la personne ne prenne pas de retard dans ce qui se dit. On donne des indications comme les noms des personnes qui prennent la parole. On aère le texte, on peut aussi utiliser les didascalies pour indiquer des éléments sonores environnants aux personnes comme un téléphone qui sonne, par exemple.
À la fin de la prestation, on a la possibilité de récupérer le verbatim et on le restitue au client après une rapide relecture.
Au Messageur, on utilise la reconnaissance vocale. C’est un logiciel qui s’appelle Dragon NaturallySpeaking (reconnu et utilisé dans le monde entier) qui nous permet d’effectuer le sous-titrage en direct grâce à la méthode dite du « respeaking ». On écoute le message source, on le retient, on l’affiche, on le relit, on le corrige si nécessaire tout en écoutant et retenant la suite des propos. Le texte qui s’affiche est le résultat du travail concomitant de l’humain qui dicte, reformule et corrige, traque les contresens, et de la machine (IA) qui affiche le texte à la vitesse de ma parole.
Ce métier nécessite beaucoup de concentration et une sacrée gymnastique du cerveau qui nous demande de faire plusieurs actions en même temps. L’expérience et le travail régulier sont la clé de la qualité du sous-titrage direct.
Selon toi, la loi de 2005 a-t-elle été moteur dans la généralisation du sous-titrage en direct ?
Ça a été le point de départ pour travailler de façon sérieuse sur les moyens de compensation. Cette loi stipule que toutes les personnes handicapées doivent avoir accès à des moyens de compensation pour accéder à égalité de chances aux services … De nombreuses organisations et entreprises se sont développées suite à l’avènement de cette loi. C’est aussi grâce à cette loi que Le Messageur est né.
Malheureusement, l’accès à un sous-titrage de qualité reste soumis aux moyens de l’organisation qui est sollicitée pour le mettre en place. Aujourd’hui, les deux raisons qui empêchent la mise en place systématique du sous-titrage dès qu’il est demandé c’est 1) l’aspect financier et 2) la méconnaissance du droit à ce dispositif, parfois par les personnes sourdes elles-mêmes.
Dans les prochains épisodes de cette interview, Muriel reviendra sur l’évolution de son métier depuis son arrivée il y a plus de dix ans au Messageur et nous dira ce que le Covid a changé dans la perception de la surdité et la prise de conscience de l’importance du sous-titrage en direct.
*Association des devenus-sourds et malentendants d’Ille et Vilaine : https://keditu.org/
* Dragon NaturallySpeaking est le logiciel de reconnaissance vocale utilisé par les interprètes de l’écrit au Messageur.
Pour aller plus loin…
Découvrir nos prestations de sous-titrage en direct.
En savoir plus sur le sous-titrage en direct au Messageur.
En savoir plus sur le métier d’interprète de l’écrit.